Le métier de Tisserand et l’économie locale

Extrait de Mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine de David TROUILLET
Septembre 1996

L’économie communale ne repose pas entièrement sur l’exploitation du sol. Elle englobe aussi le travail des matières textiles, et en particulier le tissage de la soie.

En fait, c’est grâce au chef-lieu de canton que cette activité « industrielle » a pu se développer à Mussy : au cours du XIXe siècle, Chauffailles devient progressivement « un des cantons les plus industrieux du département » où le travail du coton et de la soie prend de plus en plus d’ampleur. Les commandes de tissage sont partiellement données en sous-traitance dans les communes du canton. En 1873, 1800 métiers à tisser sont disséminés partout dans le canton et ce, uniquement pour le coton.

Mussy s’est spécialisée dans le tissage de la soie à partir des années 1850.

Avant cette date, l’industrie textile n’emploie qu’une trentaine de personnes, dix pour le tissage de la soie, dix pour celui du coton et autant pour le tissage du chanvre et du lin. Vingt ans plus tard, lors du recensement de 1866, 168 personnes travaillant au tissage de la soie sont dénombrées, et parmi elles, 153 sont du sexe féminin, alors qu’aucun tisseur en coton ou en lin n’est recensé. La spécialisation s’est donc réalisée sur une vingtaine d’années. Le nombre d’employés du textile est moindre en 1876 : le chiffre de 150 est toutefois trompeur puisque entre 1866 et 1876, Mussy a perdu près des deux tiers de sa population avec la naissance de la commune d’Anglure. En fait, plutôt qu’une diminution du nombre de tisseurs en soie, il convient d’en remarquer une légère augmentation : 16,5 % de la population totale de 1876 contre 11 % de celle de 1866. A partir des années 1880, l’activité du tissage semble toutefois s’émousser :

142 employés en 1881, 104 en 1886 et 124 en 1891, ce dernier chiffre s’expliquant par la reprise du marché vers 1885. Au début du XXe siècle, il reste encore à Mussy une centaine de métiers à tisser la soie.

Quoi qu’il en soit, cette activité occupe une place remarquable dans la répartition de la population active à Mussy : loin derrière l’agriculture, cela va de soi, mais aussi loin devant les professions du commerce et de l’artisanat.

Est-il possible pour autant de considérer cette activité industrielle comme une profession à part entière ?

Exerce-t-on le métier de tisseur de la même façon que l’on exerce celui d’agriculteur ou de maréchal ? Il semble plutôt que le tissage est surtout un complément de revenus pour la population agricole de Mussy. Dans une majorité écrasante, ce sont des femmes qui pratiquent ce tissage, et qui plus est des épouses d’agriculteurs ou certaines de leurs filles. Ayant leur outil de travail à domicile, ces ouvrières peuvent aménager leur emploi du temps comme bon leur semble.

« La population des campagnes [du canton de Chauffailles] s’adonne dans les loisirs que lui laissent les travaux agricoles à l’industrie du fil et du tissage des toiles »

Cette mention du rédacteur de l’Annuaire départemental de Saône-et-Loire témoigne de la position complémentaire de l’activité textile par rapport à l’agriculture : les travaux des champs priment, viennent ensuite les autres « industries ». Étant le fait d’une population déjà employée dans le secteur agricole, le tissage de la soie traduit la pluri-activité de certaines familles rurales de Mussy.

Les matières premières alimentant le tissage de la soie ne sont pas fabriquées dans le canton ; les produits tissés ne sont pas utilisés uniquement sur place : en amont et en aval de cette production, se trouve la ville de Lyon, capitale nationale de la soierie. De ce fait, l’importance pour l’économie locale et cantonale de la ligne de Paray-le-Monial à Lozanne est encore accrue. Desservant Mussy, elle relierait directement la commune à Lyon, sa mère nourricière en matière de tissage : l’enjeu économique est de taille !