Avant de côtoyer le gratin cannois ou hollywoodien, le cinéaste Denys Arcand a fait ses classes au sein de l’Office nationale du film. En septembre 1968, alors qu’il est encore dans la vingtaine, il entreprend le tournage de «On est au coton». Ce documentaire en noir et blanc de plus de 2 heures 40 fait de la fermeture de l’usine Penman’s de Coaticook la toile de fond d’un large panorama de l’industrie textile, un secteur menacé dans lequel œuvrent plusieurs milliers de Québécois.
Du nombre, on compte près de 2 000 Magogois qui sont à l’emploi de la Dominion Textile. Vieilles de près d’un siècle, la filature et l’imprimerie de la rue Principale constituent alors des incontournables pour l’équipe de production qui filme à l’usine Esmond de Granby et à la Celanese de Drummondville.
Malheureusement, se souvient Arcand, la direction montréalaise de la Dominion Textile lui refuse l’accès à ses installations magogoises, prétextant que leur âge avancé «ne donnerait pas une image assez dynamique de la compagnie». Sans cette autorisation, il se rabat sur quelques plans très courts de Magog. Un, pris du côté sud de la rivière, montre l’arrière de la manufacture. Un autre, s’attarde brièvement sur un groupe de travailleurs déambulant devant Chez Eddy, près de la barrière principale.
La dimension locale du documentaire se résumerait à ces scènes si ce n’était du témoignage que livre un ex-employé de la filature, Lucien Gervais. Interviewé dans son domicile de la rue Principale, celui-ci parle de son expérience dans le textile et des problèmes de santé qui l’ont forcé à prendre une retraite prématurée quelques années auparavant. Un moment intense, mais furtif, qui fait regretter ce qui aurait pu constituer un document unique, historique, sur la vie des ouvriers magogois.
Conditions difficiles, concurrence étrangère, perspectives d’avenir inquiétantes : le film de Denys Arcand trace d’ailleurs un portrait morose du textile. Il déplaît à ce point au président de la Dominion Textile, Edward F. King, qu’il demande qu’on en retire l’entrevue qu’il a accordée et qui devait y figurer. Sensibles au problème d’image que connaît leur industrie, les dirigeants du Canadian Textile Institute pressent même le gouvernement fédéral d’interdire le film. Ironiquement, cette censure contribuera à sa notoriété avant qu’il ne soit finalement rendu public, en 1976.
À l’aube d’une phase de modernisation importante, le textile a bien changé depuis. Ce qui n’enlève rien à l’intérêt de «On est au coton» dont les images nous retrempent dans ce à quoi ressemblait, à la fin des années 60, le quotidien de milliers de nos concitoyens.
Serge Gaudreau de la SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DE MAGOG
Extrait d’«On est au coton» de Denys Arcand (1976) réalisé pour l’Office Nationale du Film (ONF). Discussion sur les modalités de la révolution dans le milie…
Mon grand-pere était Eddy Clément, le restaurateur chez qui on servait les dejeuners dans le film de M »Accand
Wow! Merci André pour ce témoignage.